dimanche 23 janvier 2011

Ghostwriters

J'ai créé une page spécialement dédiée à l'exercice, vous pouvez le trouver juste sous la bannière! Les autres participations y sont toutes rassemblées (en théorie, du moins), donc c'est là que ça se passe.


Wanderers (c'est le titre)


Dehors était la lumière.
            Il m'est arrivé, aux premières heures de mon existence, de vouloir repousser les limites de mon royaume, de me rendre dehors, m'approcher des tours, des machines volantes que je distinguais au loin. Mais à chaque pas que je faisais à l'extérieur, je perdais de ma substance, je disparaissais dans la lumière, et pas à pas, ma silhouette informe et évanescente se faisait moins dense. Juste avant de disparaître complètement, je faisais demi-tour et retournais dans mes ténèbres, à l'abri, auprès des miens. Je me contentais de regarder le monde à l'abri, derrière les fenêtres de mon royaume en ruines.

            On nous a affublé de bien des noms. Esprits des Songes, Anges, fantômes, Dévoreurs d'Âmes... Nous étions les Wanderers, les esprits qui hantent les royaumes oubliés, se repaissant des souvenirs des rares voyageurs qui osent s'aventurer jusque dans notre domaine.

            De temps à autre, un homme passait, pendant quelques heures. Il visitait le salon, quelques chambres, faisait un tour dans l'immense jardin. Il se promenait entre les baies vitrées, visitait la chapelle, le théâtre, la cuisine, toutes les pièces qui composaient notre grande demeure. Une partie de la maison, les chambres, le salon, avaient brûlé, des années plus tôt, et étaient laissées à l’abandon.
Le plus souvent, nous restions cachés, derrière les piliers, les fenêtres, et nous errions dans l'esprit de nos visiteurs. Tandis que les visiteurs erraient dans notre royaume, nous sentions nos corps changer, des souvenirs des êtres qu'ils avaient connus affluaient dans nos êtres. L'espace d'un instant, nous devenions d'autres personnes, et nous vivions les vies des autres.
Cela ne durait pas. A chaque fois, nos visiteurs s'en allaient, et nous devions abandonner ces vies, oublier ces souvenirs qui n'étaient pas les nôtres, et attendre avec mélancolie le passage d'un nouveau visiteur.

            Et puis un jour il est arrivé.
Nous sentîmes, en le voyant passer la grille de fer rouillé, qu'il n'était pas comme les autres. Il ignora la grande porte, grimpa sur une gouttière, passa sous une ouverture trop petite pour lui, comme conçue pour un enfant et pas pour cet homme vieillissant, fatigué, qui marchait sur les tuiles croulantes sans la moindre hésitation. Il se glissa dans une petite fenêtre, atterrit dans le théâtre. Sous ses pas, les planches moisies craquèrent. Quelques esprits, cachés sous les lattes du parquet, prirent peur et détalèrent dans un bruit de souris effrayées.

            Je sentis une explosion des souvenirs et de sentiments  éclore en moi, des odeurs de feu de bois, des fragrances entêtantes. Un champ couvert d’herbes folles, une maison sous la neige, des temps heureux, passés ensemble. Je reconnus dans l’homme devant moi Julien, l’homme que j’aimais. Un mélange de douleur et de joie, des enfants, des disputes, un baiser. Tout cela à la fois.

Un prénom : Elena.
Le mien.

D’autres souvenirs, plus récents. De la douleur. De la panique, une maison qui brûle, un homme qui se tenait, impuissant, devant les ruines d’une demeure qui s’effondrait peu à peu. Dans ses bras, un corps brûlé et ensanglanté, que l’on reconnaît à peine, qui m’est pourtant familier. Lorsque je reconnus son visage, un cri de douleur m’échappa. Le corps était celui d’Elena.
Le mien.

Julien m’entendit, releva la tête et regarda dans ma direction.
Il ne vit rien. J’étais déjà cachée, à l’abri dans les coulisses du petit théâtre, et j’eus le loisir d’examiner cet homme à mon gré, comprenant enfin la nature de sa douleur. L’homme saisit la corde qu’il avait amenée, lovée autour de son épaule, et la jeta à une poutre au dessus-de lui, amena un tabouret et confectionna un nœud que je reconnus vite.

            Un frisson me parcourut l’échine. Julien allait se pendre. J’allais intervenir, quand les lumières faiblardes qui éclairaient la pièce, des lueurs de théâtre, à peine plus fortes que quelques bougies, s’éteignirent, laissant pour seul éclairage dans la pièce la colonne de lumière qui tombait de la lucarne qu’avait emprunté Julien pour venir, rendue visible, matérielle, par la poussière soulevée, comme la poursuite d’une scène de théâtre, éclairant les planches, à quelques pas à peine, devant Julien, qui tenait toujours sa corde d’un air surpris.
Les notes d’un piano retentirent au loin, un peu étouffées, indistinctes. Jouées avec automatisme, sans âme, elles me rappelaient un moment d’une existence que je n’avais pas connue, mais que je devinais à travers les souvenirs que j’avais volés à cet homme.
            Je vis une larme couler sur la joue de Julien et s’écraser au sol.
Le moment d’hésitation nostalgique de cet homme, debout sur un tabouret, une corde à la main et une larme à l’œil, sembla durer des siècles.

            Puis une première silhouette s’avança dans la colonne de lumière, comme surgie de coulisses invisibles. Une forme aux cheveux blonds, dont le nom m’apparut alors qu’elle faisait un pas dans la lumière.
-         Faut-il que la vie t’ait marché dessus, pour que tu en arrives là.
-         Louise murmura Julien. Tu n’es pas…
Le mot « réelle » ne vint pas. Julien fit un pas en avant, approcha sa main et effleura la joue de Louise.
-         Vous me manquez, toi et Marc.
-         Je sais.
-         Je suis désolé que vous ayez dû payer pour m-oi.
Louise ne dit rien, regardant la bague de fiançailles que son fiancé, Marc, lui avait offerte quinze jours avant le drame.
-         Ça aurait été un beau mariage, soupira-t-elle.
Il regarda autour de lui, comme s’il reprenait conscience du décor autour de lui, des murs en
-         Suis-je en train de devenir fou ?
-         Non, dit-elle. Pas encore.
-         Alors qui es-tu ?
-         Je

Elle fit un pas hors du cercle et disparut lentement. Une nouvelle personne apparut ensuite, et Julien ne sembla pas marquer la moindre surprise à sa vue. Je le connaissais, lui aussi.
-         Tybalt.
-         Bonjour, Julien.
Tybalt avait ce sourire en coin qui me mettait toujours mal à l’aise. Une expression indéchiffrable, dont je n’avais jamais su si elle était une promesse de mort ou un sourire réconfortant.
-         Je pensais que tu essaierais de me tuer encore une fois en me voyant.
-         J’ai eu le temps d’y réfléchir. J’ai passé quatre ans en prison, Tybalt, quatre longues années, pendant lesquelles je me suis demandé si j’aurais dû agir autrement.
-         Et ?
-         Oui, évidemment. Tu te souviens, quand tu as brûlé ma maison, avec Elena, Louise, Marc et Pauline, à l’intérieur ?
-         Oui. Cela n’a servi à rien, tu n’étais pas là ce jour-là. Je voulais détruire ton bonheur, Julien, par ce que je trouvais ta vie avec Elena trop belle, chaque jour qui passait, ton succès me rendait amer de jalousie, alors j’ai brûlé ta maison.
-         Qu’as-tu ressenti à ce moment-là ? De la joie ?
Tybalt ferma ses yeux verts, tentant de reprendre pied avec des souvenirs qu’ils n’avait jamais vécus. Nos souvenirs n’étaient pas véritablement ceux des gens dont nous prenions l’apparence, mais la représentation, telle qu’elle existait dans les souvenirs de nos visiteurs, et pour cette raison, Tybalt se heurtait à un rideau infranchissable.
-         Non, je ne crois pas, dit-t-il enfin.

Il y eut un silence, une infime fraction d’éternité, pendant lesquels ces deux anciens ennemis se regardèrent avec intensité. Puis une silhouette apparut dans les coulisses, une petite fille en chemise de nuit, à l’air apeuré. C’était Pauline, la fille que j’avais eue e Le décor autour se brouilla, et l’espace d’un instant, le théâtre autour de nous disparut.

Trois personnes se tenaient dans un jardin, en pleine nuit. Le sol était devenu de la terre, et autour de nous, le gris et le blanc du petit théâtre étaient devenus gris et rouge. Derrière Julien, la lune rayonnait, et lui donnaient un air sauvage.
Face à lui, le dos tourné à la maison en flammes, Tybalt tenait Pauline dans ses bras. Il paraissait frêle et fragile, et se tenait courbé, fatigué et usé par sa bataille contre les flammes. Il posa la fille dans les bras de Julien, et le père et la fille s’enlacèrent.

Tybalt eut un air de pitié, se détourna lentement, et partit à pas lents.
-         On se reverra.
C’était une promesse de mort.

Le décor se brouilla à nouveau, et le petit théâtre revint en place.
-         Je suis désolé, dit Tybalt. Je n’ai pas voulu tuer Elena. Tout ce que je voulais, c’était écorner votre beau bonheur, votre vie parfaite. C’est pour cela que j’ai brûlé votre maison. Mais tes amis, ta femme et ta fille y dormaient, et je m’en suis rendu compte trop tard. Je suis rentré dans ta maison en flammes, et j’ai su que j’avais peu de temps. Pas assez pour tous les sauver, en tout cas.
-         Je sais tout ça. Pourquoi me le dis-tu ?
-         Par ce que j’ai sacrifié ma vie pour sauver ta fille, rattraper un tout petit peu le crime que je venais de commettre. Alors que je courais à l’étage, dans la chambre de Pauline, j’ai eu tout le temps de penser à ce que tu ferais quand tu verrais ce que j’ai fait. Je savais que la justice ne te suffirait pas, et que tu voudrais ta revanche.
-         Et tu l’as sauvée, plutôt que de courir pour ta propre peau.
-         Oui.
La voix de Tybalt résonna alors qu’il  s’éloignait, laissant la jeune Pauline seule sur scène. Il eut un dernier regard, posa la main sur un cordage et abaissa le rideau de la scène, qui glissa sans un bruit sur le sol.

Julien descendit du tabouret, comme sortant un pied de la tombe, puis l’autre.
-         Je serai avec toi, ma belle. Pour toujours.
Il serra Pauline dans ses bras.       



Je suis un peu emmerdé par ce texte, j'y ai passé vraiment beaucoup de temps, j'aimais bien l'idée de départ, et puis j'ai été gêné par mes propres limites en matière d'écriture. Je considère humblement avoir fait tout ce que je pouvais décemment faire dans mon état. Je reviendrai peut être dessus, mais je ne crois pas.

vendredi 21 janvier 2011

Update

Bonjour tout le monde!
Je suis cloué au fond de mon lit, chaque mouvement me tire un râle de zombie, et pour ne rien gâter, je suis à peu près sûr qu'un parasite extraterrestre est en train de me dévorer le cerveau pour prendre le contrôle de mon corps et lever une armée asservie à la domination mondiale.

Toutes mes excuses, mais je n'ai donc pas tellement le courage de mettre à jour Ghostwriters comme je m'étais promis de le faire aujourd'hui.

Pour vous faire patienter encore un peu, je vous propose de lire les participations de Kiky et KyA, qui ont posté sur leurs blogs/deviantart respectifs, et qui, contrairement à moi, sont capables de tenir une date limite de rendu!
Nine et moi avons compté une dizaine de participations à l'heure actuelle, (soit neuf de plus que je ne l'espérais ^^), bravo et merci à tous!

On se revoit quand je serai de retour dans le monde des vivants!

lundi 17 janvier 2011

A Fleur de Peau

J’avais ce pouvoir.
Sans savoir ni quand ni comment il était apparu, j’avais découvert cette faculté, qui résidait peut-être en moi depuis toujours.

            Un jour de colère, j’avais fait éclater une pierre en la touchant. Une pensée, un geste avaient suffi, et la pierre s’était désintégrée en millions de morceaux de poussière qui étaient restés suspendus en l’air pendant une quelques secondes avant de retomber au sol.
Je pouvais détruire n’importe qui, n’importe quoi, par un simple contact, par une simple pensée.

            Je tuai quelqu’un, pas plus tard que la semaine suivante, un garçon quelconque, pas plus pénible qu’un autre, juste présent au mauvais endroit au mauvais moment, qui avait fait la mauvaise blague à la mauvaise personne. Il avait suffi qu’il prononce quelques mots, un peu plus vexants que les autres, dans un couloir plein de monde, qu’il m’ insulte, au vu et au su de tous. Je me détournai, ravalant mes larmes, comme je le faisais à chaque fois, tentant de ne pas sentir sur mes épaules le regard des autres gens, qui au mieux, gardaient le silence, sans oser un geste, au pire riaient en coin.
Le garçon me rattrapa, me saisit par l’épaule, espérant sans doute voir les larmes dans mes yeux, signe incontestable de la réussite de sa cruelle blague.

C’en fut trop pour moi.
Incapable de contrôler ma fureur, je plaquai ma main sur son visage, et le garçon se désintégra en un instant.

            Le monde se figea en cet instant. Ce n’était pas l’effet de mon pouvoir, non, mais je me retrouvai seul, la main posée devant ce nuage de poussière, là où un instant plus tôt, se tenait un de mes camarades de classe. Tous, autour de moi, avaient vu la scène, et, choqués, me dévisageaient sans un mot.
Je partis en courant.

            Je passai la soirée à essayer de me convaincre que tout ceci n’était, au mieux, qu’un accident, au pire, de la légitime défense, mais il me fallut me rendre à l’évidence, d’une simplicité désarmante. J’avais commis un meurtre.

Dans la salle de bain, j’osais à peine me regarder dans le miroir, ignorant comment vivre avec ce crime sur les épaules.
Je posai mes mains sur mon propre visage. Il me suffisait d’une seule pensée, pour détruire mon corps en poussière, et annihiler toute trace de mon existence à jamais.  Je fus incapable de détruire une vie de plus, fut-elle la mienne. Renouveler ce crime, même contre moi-même, me faisait horreur.

            Le lendemain, je surmontai ma honte et allai en cours.
Autour de moi, les mêmes silhouettes que la veille me regardaient de travers. A chaque fois que je croisais un regard, l’expression que je lisais au fond des regards était toujours la même : La peur.
            Le poids de leurs regards, la crainte, la tristesse qui transparaissait dans chacun de leurs gestes m’accusait du meurtre. Tous portaient du noir ce matin-là, et me tournaient autour, sans oser m’approcher, comme une nuée de corbeaux.
Je crus que la police finirait par m’arrêter, que quelqu’un, au lycée, me dénoncerait. A chaque seconde de la journée, je regardais avec crainte la porte d’entrée de la salle de classe, redoutant de la voir s’ouvrir brutalement, laissant entrer deux officiers de police qui m’auraient emmené.

Il ne se passa rien.
Personne n’avait rien dit. De même que tous m’avaient vu, jour après jour, me faire insulter et humilier, quand je m’étais défendu, tous avaient fait semblant de regarder ailleurs, de crainte que je ne me venge contre celui qui me dénoncerait. Je savais malgré tout, que tous espéraient que l’un d’eux ne se sacrifie pour qu’on m’arrête.
            Mais personne n’eut le courage de faire ne serait-ce qu’un geste contre moi. Je rentrai à la maison, où j’attendis toute la soirée l’arrivée de la police.
Une journée passa, puis une autre. Il n’y eut personne.

J’étais tranquille, maintenant. Personne ne dirait jamais rien. Ils n’avaient rien dit quand j’étais la victime, maintenant que j’étais le bourreau, ils ne diraient rien non plus.
C’était la loi du silence.
Etant parti en vacances pendant une semaine pour fêter la fin de mes partiels, j'ai laissé les clés du blog à mon double maléfique.

dimanche 9 janvier 2011

Un Pistolet Sur La Nuque

Je tremble, ma main hésite, griffonne, sur une feuille vierge, quelques lignes hésitantes. Je me relis.
- Si tu veux t’en sortir, il va falloir faire mieux que ça…
- Comment veux-tu que je me concentre dans des conditions pareilles ?
- Fais un effort.

Alors je reprends mon stylo. Mes mains moites laissent échapper, et le voilà qui glisse sur le sol.
- Pas d’entourloupe, dit la voix.
Je le ramasse, je réajuste ma feuille.
Se concentrer. Ne plus penser au canon du revolver posé sur ma nuque. Ne plus penser à cette balle, logée devant le percuteur, pleine de poudre, prête à exploser, et à se précipiter, en moins d’une seconde, d’un côté à l’autre de mon cerveau. Ne surtout, surtout pas penser à l’état de mon crâne, lorsque le projectile ressortira en éclaboussant ma feuille d’un mélange immonde de cervelle, de sang et d’os.
- Hé, réveille-toi, fait la voix.

Je commence à écrire, quelques mots, qui courent au hasard sur ma feuille. Je ne sais pas vraiment où cette histoire me mènera, j’espère juste qu’Il en sera satisfait.

Au bout d’une dizaine de lignes, je me retrouve dans une impasse. Les quelques mots que j’ai écrits, à la hâte, ne me mènent nulle part, c’est une impasse, un texte vide de sens. Alors je déchire ma feuille, la jette, puis je prends une grande inspiration.
Je prends conscience du fait qu’écrire, ce n’est pas seulement coucher des phrases sur une feuille. C’est prendre le temps de penser, de regarder le monde autour de soi, et de voir ce qui est digne d’être écrit, ce qui vaut la peine d’être romancé.

Sauf que là, je n’ai pas le temps. J’ai des partiels, des révisons, d’autres préoccupations. J’ai la flemme, aussi.
En temps normal, je serais sorti faire un tour. J’aurais marché dans la rue, regardé les gens, vu la vie continuer, la terre tourner. Je me serais assis dans l’herbe du Parc Monceau, bu un café, et j’aurais laissé vagabonder mes pensées jusqu’à ce qu’une me semble valoir la peine d’être retenue. Je serais rentré, et l’envie d’écrire aurait été plus forte que jamais, et j’aurais écrit une nouvelle, pas extraordinaire, mais une nouvelle quand même.
A écrire comme ça, ma tête à la merci du canon d’un revolver, j’ai l’impression de brader mon travail. J’ai l’impression que ce que j’écris ne vaut rien, par ce que je n’ai pas le temps de penser le monde, voir les choses, et les écrire. Je suis vissé à ce bureau, avec pour seule envie de finir ce texte le plus vite possible, pour que l’homme mystérieux me laisse enfin tranquille.

Je souris. La voilà, l’idée. Je vais écrire, parler de cet homme qui m’oblige à travailler, qui refuse de me laisser tranquille tant que je n’aurai pas écrit ce texte.

C’est cela, regarder le monde. Autour de moi, il y a une tasse de café qui refroidit, une tablette graphique, inutilisée depuis des mois, une statuette de Mickey, en train de faire un signe du bras qui ressemble furieusement à un salut hitlérien. Mais il y a aussi les obligations qui me lient au monde, mes partiels, mon groupe, mes projets, mes voyages, qui demandent une attention constante.

Et il y a un blog, que j’ai promis, des mois plus tôt, de mettre à jour une fois par semaine. Et quand je le regarde bien, ce blog, j’ai l’impression qu’il me pointe un pistolet sur la tempe, tous les dimanches après le déjeuner, pour qu’enfin j’attaque le texte de la semaine suivante, se moquant éperdument de mes partiels, de ma gueule de bois, des petites préoccupations de ma vie quotidienne.
Alors je cesse de m’angoisser, et j’écris une histoire, qui parle d’une voix, d’un pistolet sur ma tempe et d’un jeune qui essaie désespérément de chercher des idées qui ne viennent pas.

Je tends ma feuille, noircie de mes idées et de mes pensées. Ce n’est pas ce que j’ai fait de mieux, mais au moins, je n’ai pas triché. Je n’ai pas transigé, je n’ai pas recyclé de vieux textes, je n’ai pas cédé à la facilité. J’ai écrit une histoire, une vraie.

La voix saisit le texte avec un mouvement d’humeur, s’assoit sur mon lit, derrière le bureau, et lit avec attention.

Un sourire.
- Ça fera l’affaire.

mardi 4 janvier 2011

Exercice d'Ecriture - Ghostwriters

Bonjour tout le monde!

La talentueuse Nine et moi avons eu l'idée d"un exercice d'écriture, auquel je vous propose de participer, il est temps pour vous d'agir, de sortir de votre torpeur, de faire chauffer vos méninges!

Voici les règles de l'exercice, répondant au doux patronyme de Ghostwriters.

L'objectif :
Une idée générale de scénario a été fixée, avec un certain nombre de contraintes. L'objectif est d'être plusieurs à composer sur un sujet identique et de les comparer ensuite. Si cela vous intéresse, voici les règles:

Scénario:
Un homme revient sur le lieu qu'il a connu des années auparavant, et y rencontre les fantômes des gens qu'il a connus dans le passé. (Les fantômes pouvant être de vrais ectoplasmes ou des simples souvenirs, c'est volontairement ambigü)

Contraintes additionnelles:
Le personnage principal s'appelle Julien.
Le narrateur n'est pas obligatoirement le héros.
Le héros a connu personnellement les personnages.
Il rencontre quatre fantômes différents, correspondant à quatre personnages différents.

  1. Un amour    (Dont la première lettre du prénom commence par E)
  2. Un ami         (Dont la première lettre du prénom commence par L)
  3. Un ennemi   (Dont la première lettre du prénom commence par T)
  4. Un mentor   (Dont la première lettre du prénom commence par P)
La nouvelle intègrera, à un moment où un autre, une coupure de courant.
Le choix du sexe, de la nature et de l'âge de chaque 'fantôme/souvenir' est libre.
Julien et les 4 personnages doivent apparaître mais vous être libres quant à l'importance de leur rôle.

Voilà pour les règles.

Les participations devront être soumises jusqu'au 20 Janvier par mail, à karioon (at) msn.com, par commentaire, sur mon Facebook, ou sur le blog de Nine. Passée cette date, les participations seront dévoilées, même si vous pourrez toujours participer et nous soumettre vos participations.

Précisons-le tout net: Ce n'est pas un concours.
L'objectif, c'est de se lâcher, de s'exprimer, sans craindre d'être descendu en flammes par un connard quelconque. Ni Nine, ni moi-même ne classerons les textes, il n'y aura pas de meilleur texte, et je me permets d'insister sur ce point.
Finissez ce texte et vous aurez gagné. C'est aussi simple que cela.

Je créerai une page sur ce blog qui pointera vers les participations de chacun, et je pourrai, pour ceux qui n'ont pas de blog, héberger leurs textes tout en leur laissant l'entière propriété, et la possibilité de les retirer et modifier s'ils le désirent.

lundi 3 janvier 2011

Dies Irae

 -         Kyrie ? C’est Yan. Je… J’ai une mauvaise nouvelle à t’annoncer.
Le silence qui suivit fut de ceux qui précèdent la fin du monde.
-         Ils ont interné Alec. Il a fait une nouvelle crise hier, on n’a pas pu faire autrement.
Ces mots, je les ai tant redoutés... Depuis des semaines, je les ai senti approcher, je les ai redoutés comme la mort qui rôde. J’avais lu la folie dans le regard d’Alec, cette étincelle, que Laura, sa petite amie, avait été si souvent capable d’étouffer. Visiblement, Alec avait cette fois-ci eu un accès qu’elle n’avait pu calmer.
-         Vous... Vous avez bien fait, je réponds. Je sais que ça a dû être difficile pour toi de le voir comme ça, mais tu as fait ce qui fallait.
-         J’ai pensé que tu voudrais savoir… Laura n’approuverait pas que je t’en parle, mais tu as le droit de savoir. J’espère que ça ira pour toi, ma chérie.
-         Ne t’inquiète pas pour moi, lui dis-je. Je passerai le voir dans la semaine.

La conversation se coupa sans un mot de plus, la tonalité d’appel résonnant un instant, pendant lequel je tentais d’assimiler les informations. Le combiné m’échappa lentement des mains. Je m’effondrai enfin sur le sol, à même le mur, tandis que le combiné pendait au fil le rattachant à sa base.
Je sentis les larmes monter à mes yeux, et sans même essayer de les retenir, je me laissai aller à mon désespoir, prostrée entre le meuble de l’entrée et la fenêtre.
Les jambes ramenées contre ma poitrine, le visage enfoui dans les bras, je pleurai sans pudeur ni retenue.

      Alec était mon ex, et mon meilleur ami. Nous nous étions tournés autour pendant des mois, puis avions fini par sortir ensemble. Notre relation n’avait guère duré longtemps, ni lui ni moi n’étions assez stables pour nous convenir. Nous nous détruisions mutuellement : Alec et sa maladie, moi avec mes crises de dépression.
Il avait fini par rencontrer Laura, qui, je crois, lui avait apporté ce que je n’avais pas été en mesure de lui offrir. Elle l’avait soutenu pendant son traitement, l’avait aidé à surmonter ses crises. Il s’était accroché à elle, et il avait commencé à voir le bout du tunnel.
Pourquoi avait-elle fait tout ça ? Je l’ignorais. J’avais été profondément amoureuse d’Alec pendant un moment, mais jamais je n’aurais été capable d’une telle abnégation, et je crois que c’est pour cette raison que quand elle était arrivée, je n’avais pas retenu Alec, et avais laissé Laura le sauver, le tirer de sa folie.
            Laura, la belle et blanche Laura. 

J'avais préféré le voir heureux avec une femme qui s’occupait de lui, plutôt qu’avec moi qui le détruisais. C’était ma manière à moi de lui témoigner mon amour. Pendant les deux ans que ces deux-là avaient passés ensemble, j’avais aimé Alec par procuration, me délectant de le voir si heureux et épanoui, sans oser m’immiscer dans un couple où je n’avais rien de bon à apporter.
Et j’étais profondément envieuse de cette femme qui lui apportait tout le soutien dont il avait besoin, sans une plainte, sans un reproche. Elle excellait là où j’avais échoué. Alec et moi nous aimions, mais n’étions pas faits pour être ensemble. J’étais la femme qu’il avait aimée, Laura était celle qui le rendrait heureux.

Je sortis de la contemplation de mon propre passé, cherchant en vain une bouteille encore pleine afin d’étancher mon amertume. La table de la cuisine était jonchée de bouteilles vides, reliques fragiles d’un soir d’ivresse.
            Je renonçai à l’alcool, contrainte d’affronter la douleur dans sa pénible clarté. Le salon  était inhabitable, son sol couvert de pots de peinture qui séchaient lentement, d’une toile à moitié finie qui trônait sur un chevalet. J’attrapai un verre rempli de white spirit dans lequel traînaient deux pinceaux usés. J’en saisis un, que je projettai contre la toile. Le pinceau rebondit, tomba au sol, laissant sur le portrait une marque dissoute, pareille à une larme, sur la joue de mon modèle.
J’avais encore besoin d’étancher un peu ma colère, alors je me jetai sur un couteau, lacérai et lardai la toile de coups de poignards, jusqu’à ce qu’il n’en reste que quelques lambeaux épars, accrochés à un cadre.
            La lame tomba sur le sol, je repris mon souffle, le cadre m’apparut soudain comme une vain expiatoire à ma colère. Une commande de portrait, exécutée sans grande passion, qu’il me faudrait recommencer plus tard, au grand dam d’un client qui râlerait sur mon incapacité à tenir un délai. Je baisserais les yeux, et lui ferait semblant de me pardonner, en échange d’un rabais. L’argent qu’il me donnerait paierait à peine le prix de la toile, et je ferais semblant d’être contente.

            Il me fallut deux jours pour me décider à aller voir Alec. Je me tenais au côté de Yan, son frère, devant la vitre qui ouvrait sur la cellule qui maintenait mon ami prisonnier.
-         Merci d’être là, dis-je.
-         De rien. Ils n’acceptent que les visites des membres de la famille. Sans moi, tu n’aurais pas pu venir.
-         Que s’est-il passé ?
-         Des hallucinations, je pense. Il s’est attaqué à quelqu’un dans le métro. Lorsqu’on leur a amené, il était toujours en phase de repli, le médecin l’a mis sous anxiolytiques.
-         Je peux rentrer ?
-         Si tu veux. Il ne parle pas, il n’a même pas reconnu Laura.

J’entrai dans la pièce, une pièce blanche, aseptisée, aux meubles cloués sur le sol, aux tables aux bords arrondis. Pas de draps, juste une couette. Alec, dans un coin, ne me voyait pas, semblant dans un autre monde. Les médicaments lui donnaient l’air éteint, et sa maladie, sa posture, tremblante, un peu agressive, sauvage. Il ressemble à un lion sur le point de mourir.
            Je posai ma main sur son épaule, il ne bouge pas.

-         C’est moi, Kyrie. Tout va bien.
Il ne me regarda pas, se balança doucement sur ses pieds, comme s’il essayait de se bercer lui-même. Je le pris dans mes bras, et je me berçai avec lui, tentant de le faire réagir, doucement, de me rappeler à sa présence.
Pas un geste. Dans son monde, je n’existais pas. Il ne me restait qu’une chose à faire.

-         Alec, c'est Alice.
Enfin, il tourna ses grands yeux cernés vers moi, me dévisageant de ses grands yeux vides, à l'expression indéchiffrable. Puis je l’entendis murmurer, doucement, de manière à peine audible :
-         ’Twas brillig, and the slithy toves…
-         Did gyre and gimble in the wabe, je murmure à mon tour.
-         All mimsy were the borogoves, répond-il.
Nous récitâmes la comptine, serrés l’un contre l’autre. Autour de nous, les ombres s’agitaient. Des voix, des visages menaçants, des fantômes oubliés, qui tournaient autour de nous dans un étrange ballet macabre. Autour de moi, tout n’était que noirceur, et je pus sentir, autour de moi, sa peur, qui transpirait sur les murs. Les regards se resserrèrent, autour de lui, se jetèrent sur son esprit, comme voulant le dévorer. Moi, autour, j'espérais pouvoir le protéger, et je crus pendant un instant que j'allais, moi aussi, me faire dévorer par les ombres, comme un essaim d’abeilles qui nous tourmentaient, nous piquaient, saisissant à chaque passage un nouveau fragment de notre raison.

Puis notre murmure commun cessa. Alec retomba dans son mutisme, et lentement, la lumière et les couleurs revinrent. Le calme de sa cellule. Le souffle me manquait, et la tête me tournait, comme revenue d'un enfer qui avait duré une petite éternité. Je fus prise de pitié pour Alec, qui supportait ses démons depuis trois jours, moi qui étais incapable de le supporter plus de quelques instants.

Lorsque je sortis, Laura m’attendait devant la porte. Dans son regard brillant, je lisais un monde d’émotions. De la peine, de l’angoisse, de la fatigue… Et de la peur, aussi.
De la peur que ce soit la dernière crise d’Alec, qu’il ne s’en remette jamais. De la peur de me voir, moi, si attachée à lui. De la peur de le perdre. Laura n’avait rien d’un ange, elle était humaine, et profondément attachée à son petit ami, et à cause de cela, je crois qu’elle avait peur de moi.

Je tentai une phrase, mais rien ne sortit. Les mots me manquaient. Je me contentai de sortir, puisqu’après tout, si Laura avait pu parler, c’est ce qu’elle m'aurait demandé. Devant l’hôpital, Yan m’attendait, assis sur un banc, en train d’écouter de la musique, les yeux fermés.
-         Alors ? me demanda-t-il.
-         Alors quoi ?
-         Comment va-t-il ?
-         Mal, je réponds. Il est complètement refermé sur lui-même, il ne m’a même pas reconnue.
-         Tu lui parlais, pourtant…
Je soupirai.
-         Je ne lui parlais pas. Pas vraiment. C’était une comptine, que nous chantions de temps en temps, quand il n’allait pas bien, un poème inventé par Lewis Carroll.
-         Celui d’Alice ?
-         Oui. Quand il est comme ça, je ne peux pas lui parler. Le monde n'a pas de prise sur lui. Ce poème est un pont entre notre monde et le sien, si tu veux. Les mots sont vides de sens, ou plutôt, ont un sens que lui comprend, mais qui respecte des règles de notre langue à nous.
-         Et cela l’aide à sortir ?
-         Non. Mais cela m’aide à entrer dans son monde.
-         J’aimerais comprendre comment il fonctionne, dans ces moments, soupire Yan. Je pourrais peut-être l’aider.
-         C’est là que tu fais erreur. Il n’y a rien à comprendre.