lundi 25 octobre 2010

Stateless



Eva est une artiste. Tous les jours, elle fouille les magasins, elle investit les brocantes, les vide greniers, à la recherche d’idées, d’objets, et puise son inspiration dans ces investigations matinales.
Parfois, elle en trouve un qui lui plaît plus que les autres. Elle l’examine d’abord avec attention, l’achète, et le dépose sur une étagère où s’entassent des milliers de bibelots qu’elle ne regarde plus.

Eva est une artiste, et c’est avec cette certitude que quand elle entre dans son atelier, et qu’elle accomplit tous les jours le même rituel. Elle examine d’abord les travaux de la veille, ses études et ses dessins. Jamais satisfaite, elle les jette et reprend à zéro, et étale des croquis sur des innombrables pages. Elle retire ensuite le drap blanc qui abrite sa toile. Elle époussette ensuite le chevalet avec un soin méticuleux, sans se rendre compte qu’aucune poussière, aucune trace de peinture séchée ne vient jamais le souiller. Elle y dépose ensuite sa toile, une immense toile immaculée, que tous les jours elle admire en réfléchissant à la grande œuvre qu’elle va y déposera un jour.

Elle prépare ses couleurs avec application : Cyan, magenta, jaune, rouge, bleu, vert, qu’elle applique avec attention sur sa palette.
Quand tout cela est fait, Eva imagine enfin sa toile. Une allégorie de ses sentiments profonds, quelque chose de vibrant, de passionné. Elle la voit presque, et, alors qu’elle compose son oeuvre, les yeux fermés, son crayon danse à quelques centimètres de la surface rugueuse. Eva imagine son tableau, mais lorsqu’elle ouvre les yeux, sa toile reste vierge.

Eva est une artiste, mais Eva ne peint jamais. Eva, c’est la vanité des petits riens qui nous construisent, qui font qu’on se sent vibrer un peu. Sentir ses doigts rouges après avoir pilé ses pigments, découvrir le drap qui protège sa toile blanche. Nettoyer méticuleusement un chevalet que jamais aucune couleur ne vient tacher.

Eva est une artiste ratée, qui passe sa vie à poursuivre les gestes les plus vains de ce qu’elle croit être la marque d’une artiste, d’une infinité de petits riens, qui font d’elle ce qu’elle croit être une artiste. Elle choisit ses pigments elle-même, méprise le numérique, crayonne à longueur de journée sur des planches qu’elle jette à la poubelle. Elle examine ses myriades de bibelots, qu’elle repose avec application sur leur étagère, et les laisse prendre la poussière.
Elle répète inlassablement des gestes vains du quotidien, des gestes qui, elle le croit, feront d’elle une artiste reconnue, mais Eva ne peint jamais. Eva a une œuvre, une grande œuvre, qui trône au centre de son bel atelier. Une immense toile immaculée, que jamais elle ne touche.

dimanche 10 octobre 2010

Mary Jane Kelly

-         C’est à vous.
Les projecteurs m’aveuglent. J’ai beau essayer de discerner un visage familier, je ne vois qu’une lumière qui m’oblige à plisser les yeux. Une main se pose sur mon épaule, et j’entends une voix qui me fait :
-         C’est maintenant ou jamais.
Je sens mes mains trembler de manière de plus en plus incontrôlable. Devant moi, la scène, jonchée de câbles, d’amplis, de gobelets vides. A droite, la fosse. Je ne vois rien, mais je sais qu’elle est pleine à craquer. J’entends des appels, des injonctions. J’entends, au milieu du grondement du public, mon prénom qu’on hurle, au milieu de ceux des autres membres du groupe.
J’expire, d’un souffle régulier. Ne pas bloquer son énergie, canaliser sa peur, ses angoisses, ne surtout, surtout pas paniquer. Qu’est-ce que je fais là ? Pourquoi ai-je accepté de jouer avec eux ? Je ne suis pas un vrai musicien, juste…
La sensation d’être un imposteur m’envahit. Le trac, la peur. Et si je fais une fausse note ? Et si j’oublie, si je me trompe ?

On me pousse en avant, et je fais un pas en avant pour ne pas perdre mon équilibre. Un coup d’œil autour de moi, et je me rends soudain compte que je suis au beau milieu de la scène. Plus question de revenir en arrière.
Je branche ma guitare en tremblant, bon sang, j’ai la trouille. Je vois un mouvement à mes pieds, la salle est remplie à craquer, mes mains tremblent de plus en plus, j’essaie de me souvenir des premières notes du morceau, mais j’ai oublié, mes mains ne m’obéissent plus, je ne parviens même pas à attraper la sangle de ma guitare, je la fais tomber une fois, je la ramasse et la passe à mon cou. Une grande inspiration.
Respirer, ne pas paniquer. Facile à dire quand la scène est loin. Là, je n’ai pas le droit à l’erreur. Ma main gauche refuse de m’obéir, je tremble toujours.
-         François, à poil ! hurle quelqu’un dans la fosse.
Cette voix, je la connais. Malgré le trac, malgré l’angoisse, je me surprends à sourire. Je pose doucement ma main sur le manche de la guitare, et mes doigts se calment au contact du bois et du métal familier. Comme apprivoisés, mes tremblements cessent un peu.
Un signe au chanteur.

Je commence à jouer.

lundi 4 octobre 2010

Harlekjuik

- Xeffedz, fit il, étonné mais toutefois toujours aussi magnifique.
Elle répondit. "Je voudrais pouvoir te vhjdbzq dans le hjkdhhdiiii."

Il ne lui avait pas laissé le temps de terminer sa phrase. Arrachant son rhgrghr, il l'entraina vers le lit le plus proche avec une férocité sauvage mais superbe.
- Tripote moi le hdhzdqiqzdii, grand fou.
- Ho, ma grosse loutre, mais qu'est ce qui nous arrive ? Mais… Non, pas mon qôrghràih, pas mon qôrghaih !
Saisissant un immense couteau, elle lui trancha le hfshfqqodhqo avec un rire cruel. Antonio payait enfin pour toutes ces années de qspoudbhf.
- Qdofhb ! lança-t-il, agonisant mais toujours fier.
A ce moment là,un bruit de gdyqgduuu retentit dans la rue. Prise de panique, Gertrude regarda Antonio avec résolution.
- hzufyhffhhhh, dit-elle, avec pertinence, et elle lui planta son hfhfhqfqfuuuu dans le gniiiii.

Ces derniers mots n'auraient pu être plus justes, et ils l’attinrent, à la manière de son hfhfhqfquuuu, en plein coeur. Dans un dernier regard larmoyant, il implora: "Yijg !" Mais il était déjà beaucoup trop tard, et au dehors, de sinistres zurglug voilaient déjà la lune levée sur le Bosphore.
Le monde que connaissait Antonio atteignait enfin son grudgggggziik. Toutefois, il lui restait encore un dernier tour en réserve. Se saisissant du petit jgluik posé sur la commode toute proche, il le lança par la fenêtre vers les sombres sjnarblok. C’en fut trop pour Gertrude, qui gsahaaaa en se tordant de douleur. Les ombres l'envahirent, et dans un dernier iopopkkk, et bascula dans le Grand Sghhuugishk.

- Toujours avoir un petit jgluik sur soi, philosopha Antonio, en se relevant.
Il épousseta sa veste en velours et retira le long fgulik enfoncé dans la doublure. Il alluma une grzoooorghath, ses préférées, et contemplant la lumière de la bngzdzuuaaaa dans le ciel, il attendit que les laouuuughathza viennent le chercher.
- YARGLUFF !"
- Bonne soirée à vous aussi, Madame Michot," lança-t-il à l'aimable concierge. Il enjamba le fébrile loutghaza, et s'envola dans la nuit noire. Une fois de plus, l'Urglik triomphait.


Aucune substance illicite n’a été consommée pendant l’écriture de ce zbroufgh.