dimanche 10 octobre 2010

Mary Jane Kelly

-         C’est à vous.
Les projecteurs m’aveuglent. J’ai beau essayer de discerner un visage familier, je ne vois qu’une lumière qui m’oblige à plisser les yeux. Une main se pose sur mon épaule, et j’entends une voix qui me fait :
-         C’est maintenant ou jamais.
Je sens mes mains trembler de manière de plus en plus incontrôlable. Devant moi, la scène, jonchée de câbles, d’amplis, de gobelets vides. A droite, la fosse. Je ne vois rien, mais je sais qu’elle est pleine à craquer. J’entends des appels, des injonctions. J’entends, au milieu du grondement du public, mon prénom qu’on hurle, au milieu de ceux des autres membres du groupe.
J’expire, d’un souffle régulier. Ne pas bloquer son énergie, canaliser sa peur, ses angoisses, ne surtout, surtout pas paniquer. Qu’est-ce que je fais là ? Pourquoi ai-je accepté de jouer avec eux ? Je ne suis pas un vrai musicien, juste…
La sensation d’être un imposteur m’envahit. Le trac, la peur. Et si je fais une fausse note ? Et si j’oublie, si je me trompe ?

On me pousse en avant, et je fais un pas en avant pour ne pas perdre mon équilibre. Un coup d’œil autour de moi, et je me rends soudain compte que je suis au beau milieu de la scène. Plus question de revenir en arrière.
Je branche ma guitare en tremblant, bon sang, j’ai la trouille. Je vois un mouvement à mes pieds, la salle est remplie à craquer, mes mains tremblent de plus en plus, j’essaie de me souvenir des premières notes du morceau, mais j’ai oublié, mes mains ne m’obéissent plus, je ne parviens même pas à attraper la sangle de ma guitare, je la fais tomber une fois, je la ramasse et la passe à mon cou. Une grande inspiration.
Respirer, ne pas paniquer. Facile à dire quand la scène est loin. Là, je n’ai pas le droit à l’erreur. Ma main gauche refuse de m’obéir, je tremble toujours.
-         François, à poil ! hurle quelqu’un dans la fosse.
Cette voix, je la connais. Malgré le trac, malgré l’angoisse, je me surprends à sourire. Je pose doucement ma main sur le manche de la guitare, et mes doigts se calment au contact du bois et du métal familier. Comme apprivoisés, mes tremblements cessent un peu.
Un signe au chanteur.

Je commence à jouer.

11 commentaires:

  1. Joli texte.
    On est peut-être pas assez "vite" mis dans le bain de la tension du perso, même si elle est bien exprimée, mais sinon, j'aime beaucoup ^^

    RépondreSupprimer
  2. Moi aussi j'aime bien, surtout que je vous y vois vraiment ^^

    RépondreSupprimer
  3. la tension est bien exprimée .. ca donne super ce texte, on a le trac avec le personnage, comme si on devait monter sur scène..
    on dirait un texte comme celui de Scott Westerfeld. exactement pareil, le meme style, la meme tension. bref, j'aime bcp (sache que Scott Westerfeld est mon auteur préféré ^^)

    voilà .. moi j'aime bien ^^

    (tient, au fait, ca te dérange qu'il y ai des photos de toi sur mon blog? si oui, préviens moi ;) )

    RépondreSupprimer
  4. Je n'ai eu aucune peine à m'immerger dans ce texte. Il m'a même beaucoup touchée =)

    RépondreSupprimer
  5. Merci pour ces commentaires, vous n'imaginez pas à quel point ça me fait plaisir ^^

    RépondreSupprimer
  6. J'aime bien comment tu mets l'atmosphère avec ces textes très courts qui ne racontent qu'une scène, une émotion... par contre ce qui me dérange se sont les répétitions du genre "On me pousse en avant, et je fais un pas en avant " que je trouve vraiment pas esthétique (ouais je suis un chien je fais toujours des critiques >__< )

    RépondreSupprimer
  7. Pour ce qui est des critiques, j'adore en recevoir, n'hésite surtout pas. Je considère qu'il vaut mieux faire souffrir un peu son ego et progresser, plutôt que d'ignorer l'avis des autres et ne jamais avancer.

    La répétition est une faute d'inattention, ce genre de texte est ce que j'appelle un one-shot, écrit d'une traite, et en général sans me relire, et il y a donc souvent des fautes de style qui m'échappent, désolé. (je corrige ça de suite)

    RépondreSupprimer
  8. Écrire d'une traite c'est aussi ce que je préfère (grosse feignasse) mais il me parait essentiel de se relire, de changer un mot, la syntaxe d'une phrase peut être. Ça n'enlève rien à la spontanéité, ca ne fait que rajouter de la qualité au texte.

    RépondreSupprimer
  9. "Pour ce qui est des critiques, j'adore en recevoir, n'hésite surtout pas." Gros sm, va.

    Maintenant le premier qui crie "A poil" dans un de nos concerts je crois que ça voudra dire qu'on aura foiré la mise en ambiance...

    RépondreSupprimer
  10. Bon texte, une belle ambiance et une immersion quasi totale dans le personnage encore une fois, ce qui fait le charme de tes nouvelles.
    Pourquoi je ne peux pas m'empêcher de me reconnaitre dans le type qui gueule "à poil"? Et je tiens à préciser à Ice que ce serait une expression du profond respect que je porte à son talent d'artiste et en aucun cas une tentative mesquine de le déstabiliser...

    RépondreSupprimer
  11. Superbe. On a aucun mal à t'imaginer dans ce texte... J'aime beaucoup la fin, la rupture finale sur une note de musique. Joli. =)

    RépondreSupprimer