lundi 2 août 2010

Corporate Responsibility


-         Vous êtes Mr G*****?
Je relève la tête. Un grand gaillard en cravate me dévisage.
-         Euh, oui, réponds-je avec confusion.

-         Bienvenue chez nous, je suis le DRH. Suivez-moi, je vais vous montrer votre bureau.
Je suis très intimidé, bien entendu. C’est mon premier emploi, et pour mon entrée dans le monde de la grande entreprise, je démarre en beauté dans une entreprise d’export international. Les étages défilent sur le compteur de l'ascenseur, puis s'arrête au niveau 4.
J’ose alors poser la question que j’avais retenue jusqu’ici de peur de passer pour un imbécile pour mon premier jour.
-         Excusez moi, mais lors de notre entretien au téléphone, nous n’avons pas précise en quoi consisterait précisément mon travail.
-         C’est très simple. Vous êtes familier avec les travaux de Keynes sur la gestion de comptes privés?
Je suis oblige de répondre:
-         Pas du tout, j’en ai peur.
-         Démerdez-vous, alors. Vous travaillerez avec Michael et Natasha, nous vous fournissons tout ce dont vous aurez besoin pour travailler. Votre ordinateur est la, nous avons créé une session a votre nom, vous n’aurez qu’a changer le mot de passe. Les stylos, crayons et autres sont dans le placard sur votre droite, au dessus des munitions.

Munitions?

-         Nous avons également mis a votre disposition un Smith & Wesson calibre 9mm, dit-il. Vous le trouverez dans votre tiroir personnel. Faites en bon usage, et bon courage pour la suite de votre séjour parmi nous.

Neuf millimètres?

Je mets un moment à assimiler l’information, et quand je me retourne, le DRH est déjà parti. J’ouvre le tiroir, d'où je tire effectivement un pistolet, ainsi que deux chargeurs pleins.
-         C’est toi le nouveau? Je suis Michael.
La voit provient d’un homme aux allures d’aventurier qui vient de surgir du couloir. Il s’affale sur le bureau a cote du mien. Il pose son sac par terre, un  vieux sac en cuir, duquel dépassent deux flèches solidement plantées. Il allume un cigarillo et s’appuie sur le dossier du fauteuil avec nonchalance.
-         T’inquiète pas pour les flèches, C’est juste les gars de la compta qui demandent une augmentation.

Ca y est, j’ai la trouille.

-         Je vais avoir besoin de toi pour faire deux trois travaux de coté, des trucs que je n’ai pas envie de faire, m’explique-t-il en faisant des ronds de fumée. Ton premier travail sera d’aller aux archives, et de m’y ramener l’historique de nos exportations entre 2005 et 2007. Demande à la documentaliste de te le trouver. Je t’ai tout noté ici, ainsi que le chemin à prendre pour trouver les archives, dit il en me tendant un bout de papier froisse. Je prends le papier nerveusement, puis me mets en route, et c’est alors qu’il m’interpelle:
-         Attends! T’oublies pas un truc? dit il en me tendant le pistolet.
Je m’empare de l’objet et des deux chargeurs sous le regard approbateur de mon nouveau boss.
Alors que je m’éloigne, il murmure dans sa barbe de trois jours:
-         Un distrait. Il tiendra pas trois jours, soupire-t-il.
Les escaliers me conduisent au sous sol, où je trouve la bibliothèque sans grande difficulté. Trouver la documentaliste, en revanche, est une autre paire de manches. il fait noir comme dans un four et les rayonnages semblent construits comme un labyrinthe.
Je tourne à droite, au hasard. Pas de chance, me voilà piégé dans une impasse.

Une impasse? Dans une bibliothèque? 


Il me faut un moment pour comprendre que la bibliothèque est réellement que je suis réellement dans un dédale, et un cadavre ensanglanté qui pourrit sur sol semble m’indiquer que je ne suis pas son seul occupant.
-         Chierie de merde merde merde merde merde!

Je fais marche arrière a toute vitesse, mais trop tard, une silhouette immense me barre la route, un crossover démoniaque entre une Gorgone et un vampire suceur de sang, aux yeux rougeoyants comme de la braise, dont les ailes de chauve-souris battent.
-         De la chair fraîche, enfffin! Cela faisait ssssssi longtemps!
J’ai enfin la présence d’esprit de sortir le pistolet de ma poche, et le pointe en tremblant vers la créature. Celle-ci, d’un coup de griffe, projette l’objet dans les rayonnages, puis reprend son approche en sifflant. Alors que je fouille mes poches à l’aide d’un autre outil pour me défendre, je tire le morceau de papier donné par Michael.
-         Ne-Ne me tuez pas!
-         Et pourquoi donc, pauvre mortel ? demande-t-elle avec un sourire sadique.
-         On m’a envoyé chercher le-l’historique des exportations de 2005 à 2007, dis-je en tendant le papier au démon.
Elle s’empare du papier, chausse une paire de lunettes et se met à lire le papier.
-         Oh, dit-elle, d’un air déçu. C’est Michael qui t’envoie ?
-         Oui.
-         Suis-moi.
Je la suis, en prenant toutefois soin de récupérer mon pistolet, et en maintenant une distance stratégique entre nous. Mais toute idée de cannibalisme semble avoir déserté l’esprit du démon, et en route, la voilà qui m’explique :
-         Je ne sors pas très souvent, alors la direction me laisse manger un stagiaire de temps à autre.
Elle s’arrête devant un rayonnage, et me met huit volumes dans les bras.
-         Tu diras à Michael de se méfier du deuxième semestre 2006 et du premier semestre 2007. Avec la crise des subprimes, on a eu moins de commandes, et ça les a rendus un peu nerveux.

Je remonte victorieux, et longe le couloir qui me ramène à mon bureau. Je repasse par l’accueil, où les hôtesses contiennent à coup de fusil à pompe des hordes de zombies qui tentent de passer la porte.

Je passe en sifflotant, chacun son travail après tout, mais le succès est de courte durée. Michael n’est pas là, mais a laissé un post-it sur mon écran.

« Cher Félix.
Merci pour les archives.
J’ai du nouveau pour toi : Je voudrais que tu assistes à une présentation de nos objectifs budgétaires pour la rentrée, je pense que cela t’aiderait à cerner les enjeux économiques de l’entreprise.

PS : J’ai laissé une pelle pour toi dans le placard, prends-la, elle te sera utile. »

4 commentaires:

  1. Un texte inspiré de ma vie quotidienne au boulot. Tous les faits, personnages décrits sont totalement pas réels.

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  2. trop cool les trois histoires que j'ai lu...

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  3. HaHa !! le boulot ... et en vrai, c'est encore pire que ça ;)

    très chouette en tout cas ^^

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  4. Ravi que ça vous plaise!

    (2D? LE 2d? Celui qui ferait passer Georges pour un bonobo ménopausé?)

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