mardi 23 novembre 2010

Une Lettre Pour Ton Être

En cette belle journée, une lettre s'est mise en tête de déserter mon texte. 

Je suis donc obligé de composer un texte entier en dépit de cette fuite, et il est de votre devoir de me dire quelle vicieuse lettre je me vois privé.

Lorsque tu t’en fus, je crus mourir, comme toi. Ton suicide mit sous terre tous nos souvenirs, tout notre temps ensemble, et ce moment fit de moi un homme perdu. Puis mon existence reprit, des décennies se sont écoulées, toutefois le sentiment de te perdre pour toujours ne s’en fut plus. Ne plus te toucher, ne plus te sentir, ne plus te serrer contre mon corps, ce fut une torture.

Pour survivre, je dus t’oublier, te quitter, jeter enfin ton souvenir torturé et vivre une nouvelle vie. Me mouvoir de mon deuil, ce fut l’unique issue contre cette douleur, cette brûlure. Ne m’en veux point de t’oublier, puisque toi, il te suffit de mourir pour me quitter.

En dépit de tout, tu me suivis en tous lieux, comme une ombre. Eûssé-je voulu t’exprimer mon ressentiment, qu’une lettre se fût dérobée sous mes mots, et jusqu’en ce moment, les mots sont incomplets pour te dire combien je fus épris de toi.

Une lettre me fuit, celle qui me permet d’exprimer mes sentiments. Et cette lettre, comme ton être, n’est plus.

Edit: Je pense requis de préciser qu'outre une lettre en fuite, le texte fut écrit sous l'emprise de deux exigences de plus: 
Les verbes se conjuguent ici tous sous le prétérit, et le thème imposé fut de copier celui qu’utilise Georges Perec en son célèbre bouquin.

5 commentaires:

  1. Bonjour, je tombe sur ton blog via celui de Jundooz.
    Je suis déjà passée une ou deux fois sans laisser de commentaire mais cette fois-ci je ne peux m'en empêcher.
    Quel beau texte!
    Et bravo pour le respect des contraintes.

    Allez, hop, tu te trouves désormais dans ma barre perso!

    PS : J'ai retrouvé la lettre perdue ;)

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  2. Merci infiniment, pour le compliment comme pour mon entrée entre tes liens persos!

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  3. Ce que j'apprécie le plus dans ce texte, c'est que la lettre perdue n'est pas seulement une contrainte, mais est aussi l'élément d'une très belle conclusion.

    J'aime beaucoup.

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  4. C'est effectivement très fort d'avoir lié le fond et la forme. Très bel exercice et très beau texte.

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