lundi 19 juillet 2010

Sois Fort, Petit Frère

« Ecoute-moi bien.
            Tu n’as pas beaucoup de temps. Dans quelques heures, il va se passer quelque chose de terrible. Quelque chose de terrible ? Quoi ?
-          Je… Je ne sais pas exactement. Mais le monde que tu connais sera réduit en cendres. Retrouve tes amis. Maintenant. Reste avec des gens en qui tu as pleinement confiance. Tu n’as pas le temps de douter, pas le temps d’hésiter. Tiens-toi prêt, petit frère.

Un long silence s’installe. Je doute de la réalité de la voix que j’entends aujourd’hui, pour la première fois depuis des années.

-          Je t’aime, gamin. Prends soin de toi.
-          Attends !
Je hurle dans le combiné pour l’empêcher de raccrocher.
-          Et toi ? Tu seras où ?
-          Je n’en sais rien. Sois fort, frérot. »

Il raccrocha. La lueur orangée du soleil couchant illuminait mes yeux embués de larmes. J’osais à peine à y croire. Après cette dispute avec mes parents, mon frère a quitté la maison, il y a des années. Puis il s’est fait passer pour mort, dans un simulacre d’accident de voiture, cachant son existence aux yeux de toute sa famille, de tous ses amis, à l’exception d’une personne, moi.
Il m’a fallu assister à l’enterrement de mon frère, tout en sachant que le corps défiguré dans le cercueil n’était pas le sien. Un secret lourd à porter pour un enfant de dix ans, et jusqu’à ce jour, je n’avais eu aucune nouvelle. Au point de le croire mort pour de bon.

Sois fort, frérot. Cette phrase ne pouvait venir que de lui. Comment ai-je pu honorer une telle promesse ? J’étais si bouleversé que pleurer à l’enterrement ne m’avait pas été très difficile. Et puis, pendant neuf ans, ce secret était resté enfoui au fond de mon âme. S’il réapparaissait dans ma vie, en ce moment, c’était pour une bonne raison. Sans une seconde d’hésitation, je m’emparai du téléphone, et composai le numéro d’un de mes amis de faculté.
-          François, bordel, il faut qu’on parle, réponds !
L’écran affichait sobrement : Hors couverture réseau. Où était-il ?

J’avais dix ans.
-          Félix, il fa falloir être fort. Je vais partir, très loin d’ici, et tu ne me reverras plus.
-          Tu vas où ?
-          Très loin. En Atlantide. Mais c’est un secret.
Ma première pensée à cette annonce tragique fut la perspective terrifiante que désormais je devrais jouer à Mario Kart tout seul.
-          Écoute-moi bien. Dans quelques jours, Papa et Maman vont t’annoncer quelque chose de très triste. Ils vont te dire que je suis mort.
-          Pourquoi ?
-          Je ne peux pas t’expliquer. Mais je veux que tu saches que même si tu me vois mort, ça ne sera pas moi, tu comprends ?
-          Ça sera qui ?
-          Quelqu’un d’autre. Pendant ce temps-là, Félix, je serai en train de partir très loin. Mais il faudra garder le secret. Il faudra faire semblant d’être triste. Tu me promets ?
-          Promis.
-          Un jour, un monsieur viendra te poser des questions sur moi. Même si il est très méchant, il faudra leur dire que tu ne sais pas, que je suis mort. C’est promis ?
Il s’était levé, me regardant de toute sa hauteur, comme il le faisait toujours pour me faire peur. Et ce soir-là, il était vraiment terrifiant.
-          Félix, où est ton frère ?
Mais j’avais compris.
-          Il est mort, dis-je.
Mon frère m’asséna une gifle monumentale. Je roulai au sol, une larme perlant au coin de mon œil.
-          Ne me mens pas ! Où est Jérôme ?
-          Je ne sais pas ! Il est mort !
Jérôme me serra dans ses bras.
-          Je suis fier de toi, frangin. Je vais partir, maintenant, mais avant, je vais te confier un autre secret. C’est un mot. Si tu entends ce mot, et que ça a l’air grave, promets-moi de fuir. Tu fuis très loin, très vite.
-          Où ça ?
-          Chez quelqu’un. Un copain, une copine. Et surtout, sans en parler à Papa et Maman. Sois fort, frérot.
Je le regardai sans comprendre. Il me confia le mot, tout doucement, dans le creux de l’oreille.
- Delta.


 Le texte est un spinoff d'un livre de Silver, l'Empire des Cieux. Ne soyez pas vexes si vous ne comprenez pas.
Speciale dedicace a Silver, Francois et Bruno.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire